Mme Louis Viellard : chevalier de la Légion d'Honneur - Croix de Guerre 1914-1918 et 1939-1945

Madame Louis Viellard (1885-1956)

Louise Marie Geneviève Le Couteulx du Molay, née le 29 janvier 1885 au château de Saint-Martin à Etrépagny dans l’Eure, décédée le 27 décembre 1956 à Bar-sur-Aube dans l’Aube (1), inhumée dans la crypte de l’église Saint-Martin de Morvillars.

Elle épouse Louis Juvénal Armand Viellard (1879-1956) en février 1907 à Paris 8ème arrondissement.

Personnalité de premier plan, Mme Louis Viellard s’est dévouée toute sa vie pour les œuvres de charité et a secondé son mari dans son rôle politique. 

  • En 1914, elle soigna les blessés de première ligne dans son château de Morvillars. 
  • Au lendemain de la guerre, elle apporta à l’Action Catholique Féminine naissante, son zèle et son enthousiasme, qui se traduisirent en regroupements paroissiaux, en assemblées générales, en récollections (retraites spirituelles). 
  • Elle se fit l’apôtre de la lutte contre la tuberculose. L’association qu’elle présidait créa à Belfort le premier centre de dépistage et de placement. Sur le plan national, elle fut l’une des fondatrices de l’Association des Villages-sanatoriums (plateau d’Assy) et s’intéressa de très près au fonctionnement de celui de Praz-Coutant (Haute-Savoie). 
  • En 1940, elle apporta son appui efficace à la Résistance, fut arrêtée par la Gestapo et détenue à la prison de Besançon (2). Les journaux suisses annoncèrent même sa mort. Cependant, elle y échappa et reprit aussitôt sa lutte aux côtés des résistants de Morvillars. 
  •  
  • Chevalier de la Légion d’honneur 
  • Croix de Guerre 1914-1918 et 1939-1945 
  • Médaille des Combattants volontaires de la Résistance 
  • Médaille Freedom 
  • Médaille Bene Merenti. (*Médaille attribuée par le Vatican pour services rendus à l’Eglise Catholique) 
  • En 1917, le Directeur du Service de Santé Militaire, M. Justin Godard, vint épingler sur le corsage de Mme Louis Viellard, alitée pour cause de surmenage, une Croix de Guerre bien méritée, en présence de son mari mobilisé, du Médecin-Inspecteur Hassler et de son adjoint le Dr Bonnette. Nulle personne n’était plus digne de recevoir cette distinction.

De cette union sont nés 4 enfants : Odile (1907-1928), Geneviève (1909-1991), Armand (1912-1998) et Jacques (1917-1994).

Notes

(1). Madame Louis Viellard revenait de Paris à Morvillars en voiture, lorsqu’elle fut victime d’un terrible accident aux environs de Bar-sur-Aube. Bien qu’aucune trace de dérapage ou de coup de volant n’ait été relevée sur la route, il est probable que la voiture que conduisait Mme Viellard a été déportée par le verglas. Roulant à vive allure, la voiture alla percuter le talus du côté opposé puis dans un tête-à-queue brutal s’écrasa contre un des arbres qui bordait la route.

Les obsèques de Mme Viellard eurent lieu le lundi 31 décembre 1956 en l’église de Morvillars.

(2). Mme Louis Viellard a laissé ces témoignages « De Belfort je fus conduite à Besançon à la prise de la « Butte » où je restais jusqu’au 22 mars 1944. J’étais accusée d’être le chef et l’organisatrice de la Résistance dans le Territoire de Belfort, d’avoir travaillé très intimement avec Souer Bavres, M.Pierre et avec les officiers du 2ème bureau. Mon accusateur Tonny m’avait surprise avec l’un d’eux le 28 mars 1943 à Besançon. Il voulait me le faire avouer et donner les noms des autres amis. J’ai toujours tout nié et cela avec un aplomb qui m’étonne moi-même. Ils m’ont mise au cachot, ils m’ont privé de nourriture. J’ai eu faim, j’ai eu froid, j’ai été malade, mais je n’ai rien cédé.

Pendant ce temps une de mes nièces a pu entrer en pourparler avec un intermédiaire en relation avec la Gestapo de l’avenue Foch à Paris. Elle a obtenu par le versement d’une grosse somme ma liberté provisoire.

Je suis rentrée dans ma maison déserte, les miens avait du fuir en Suisse et au maquis. Aussitôt j’ai repris mes activités de résistance. Mon autorité s’était accrue et j’étais heureuse de servir. Les hommes requis pour le travail obligatoire étaient de plus en plus nombreux. J’aidai très activement à des passages de toutes sortes et à la transmission des nouvelles de Belfort en Suisse et vice-versa…

Le 23 août 1944 ma propriété fut réquisitionnée par les Allemands comme lieu de détention pour le maréchal Pétain. Il y fut gardé 15 jours. Enfin le 14 septembre dans ma maison occupée par un état-major allemand, la Gestapo est revenue pour me reprendre. J'ai pu me sauver et rejoindre mon mari dans le maquis où notre travail de résistance restera intact ».

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Remise de la Légion d’Honneur à Madame Louis Viellard

A l’hôpital militaire

La Revue du 14 juillet n’ayant pu avoir lieu, par suite d’ordres ministériels, la remise des décorations portée sur le programme des réjouissances de la Fête Nationale, fut décommandée par la Place de Belfort.

Néanmoins se déroula à l’hôpital militaire de Belfort une cérémonie dépourvue de tout caractère officiel, mais au contraire, empreinte d’un esprit tout familial, qui sut conserver dans sa simplicité, une forme intime et émue. Mme Louis Viellard, qui avait été nommée Chevalier de la Légion d’Honneur recevait des mains de M le Général Petit, commandant la brigade de Belfort, sa croix de Chevalier.

Ses nombreux amis s’étaient rendus en foule à l’Hôpital Militaire pour assister à cette petite fête de famille et en même temps patriotique.

Dans la cour étaient rangés un détachement d’’infirmiers militaires que prolongeaient à gauche les infirmières de la S.B.M.B et de l’hôpital et les anciens combattants de Grandvillars et de Morvillars qui avaient envoyé une délégation avec drapeau, tenant ainsi à s’associer aux nombreux amis venus pour assister à la remise de la Croix de la Légion d’Honneur à Mme Louis Viellard.

A 10 heures, M. le Général Petit fait son entrée. Il se place devant le groupe des infirmières devant la récipiendaire, derrière qui sont groupés MM le colonel Engelhard, les médecins, pharmaciens et officiers et les drapeaux des combattants et les infirmières ses anciennes collaboratrices.

D’une voix forte, le délégué du Grand Chancelier lit la citation de Mme Louis Viellard publiée dans l’Officiel et reproduite dans l’Alsace ; puis après lui avoir accroché la Croix et l’avoir armée chevalier en la frappant légèrement de l’épée à l’épaule, il lui donna l’accolade. Des applaudissements éclatent de toutes parts : des blessés et malades, des soldats, de la foule des combattants et amis, tous s’accordent à rendre hommage au mérité et au dévouement.

A « l’Alsace »

Aussitôt après la cérémonie de l’hôpital militaire les assistants se rendent dans les bureaux de « l’Alsace » où un groupe d’amis offraient un bronze d’art à Mme Louis Viellard, à l’occasion de sa décoration.

Toutes les salles du rez-de-chaussée sont trop petites pour contenir l’affluence.

M. le colonel Engelhard, au nom de ses amis, remet le bronze signé Colin Georges : un poilu aux traits énergiques, en méditation, prie avant de se lancer à l’assaut. Il est intitulé « la prière avant l’attaque », c’est un travail d’une remarquable inspiration.

Puis, il prononce l’allocution suivante.

Discours de M. Engelhard

Madame,

Lorsque le Journal Officiel du 12 mai 1921 fit connaitre que la gouvernement de la République vous avait accordé la Croix de la Légion d’Honneur en témoignage de sa reconnaissance pour le dévouement inlassable que vous avez prodigué si largement et si généreusement à nos blessés et malades de la Grande Guerre, un groupe d’amis a pensé spontanément qu’il lui serait permis de vous prouver son admiration par un modeste souvenir, qui restera le gage perpétuel de sa reconnaissance et de son profond respect.

Vous avez été Madame, une de ces vaillantes françaises qui, bravant tous les dangers de la vie au milieu de blessés et de fiévreux, sacrifia sa tranquillité, sans l’espoir d’autre récompense, que celle de la fierté d’avoir contribué à soulager ceux qui avaient aussi tout donné pour leur pays !

Tout comme eux, vous avez combattu courageusement pour la même cause, vous n’avez cessé à aucun moment, de donner l’exemple de la foi patriotique, du sentiment du devoir et de l’abnégation !

Vous étiez au milieu de vos malades, par vos actes et vos paroles, une des sources d’énergie, un de ces foyers d’espérance, qui fit rayonner autour de vous la confiance et l’espoir ! Ayant été moi-même soigné dans diverses ambulances et hôpitaux auxiliaires à la suite de mes blessures et maladies contractées au front, je suis à même, Madame, de dire combien les vaillantes infirmières ont été admirées dans leur dur labeur et combien aussi leurs grands sacrifices étaient appréciées par ceux qui souffraient et qui gémissaient sur leur lit de douleur.

Aussi j’applaudis de tout cœur toutes les fois que le Gouvernement de la République montre sa générosité et sa reconnaissance envers ces nobles et dévouées femmes de notre belle France. Vous pouvez être fière, Madame, de porter cet insigne que Napoléon 1er a créé pour récompenser les mérites civils et militaires ; vos mérites à vous Madame sont et civils et militaires, votre croix est donc mérité doublement.

Et je m’explique, dû votre modestie en souffrir.

Civils, parce que pendant la guerre vous avez volontairement négligé vos occupations familiales pour donner votre personne tout entière, ainsi que votre bourse aux œuvres de philanthropie et cela largement et généreusement, sans faire aucune distinction de parti ou confession entre les Français qui réclamaient vos soins - depuis la guerre vous vous occupez inlassablement d’un dispensaire créé au milieu de la population ouvrière du faubourg des Vosges et tout récemment vous avez fondé, dans la région alpine, un sanatorium pour les petits Français atteints du plus terrible fléau de l’humanité et parmi lesquels se trouvent actuellement un nombre respectable de nos jeunes concitoyens.

Militaires, parce que votre dévouement s’est manifesté auprès de nos blessés de la grande guerre, vos mains, vos vêtements ont été imprégnés du sang généreux de nos héros. Vous soulagiez leurs souffrances par tous les moyens matériels et moraux à votre disposition et à ceux qui ne devaient plus se relever de leur lit de douleur, vous leur prodiguiez des paroles de consolation et d’espérance, vous leur fermiez les yeux comme une bonne mère en priant pour leur rédemption !

Tous ces titres, Madame, devaient recevoir la juste récompense de la reconnaissance nationale, permettez-moi, au nom de tous ceux qui ont applaudi à votre décoration, de vous adresser nos plus sincères et respectueuses félicitations.

Je fais des vœux, de tout cœur, pour que la générosité gouvernementale continue son œuvre en accordant généreusement et largement l’étoile de l’honneur à toutes les vaillantes françaises qui n’ont pas encore reçu la distinction tant méritée et qui ont si largement contribué à la gloire de notre Patrie.

D’une voix pleine d’émotion, Madame Louis Viellard lui répond par ces quelques mots. Elle s’exprime de la sorte.

Remerciements de Madame Louis Viellard

Messieurs,

Recevoir la Légion d’Honneur le 14 juillet, au milieu d’un tel concours de bienveillance, c’est beaucoup plus que je n’avais rêvé, c’est beaucoup trop pour mon faible mérite. Je n’attendais aucune récompense. Je ne suis qu’une infirmière comme tant d’autres, qui s’est efforcée de remplir de son mieux le devoir que lui traçait sa vocation féminine.

Dans nos salles où étaient couchés côte à côte des soldats blessés dont le noble sang avait coulé sur le champ de bataille, mes compagnes et moi faisions remonter vers la France la piété des soins que nous leur apportions.

Et si vous pensez que je dois être louée maintenant d’un si simple service, faites donc remonter vos louanges vers ces braves d’abord, dont le cœur fut le nôtre, et ensuite vers la France, encore une fois, vers cette chère patrie qui nous avait tous fondus dans sa grande âme séculaire.

Pour soutenir l’héroïsme de ses fils, elle avait fait appel au dévouement de ses filles. Ce que nous lui avons donné alors nous ne le reprendrons pas. Ce n’était pas seulement notre zèle ardent pour la défendre, c’était notre accord intime de Français qui se reconnaissaient, frères et sœurs élevés dans le même pays et qui s’aiment les uns les autres.

Cette affection, elle sera plus et mieux qu’un beau souvenir : elle doit rester le fond même de notre vie commune. C’est elle qui dicte aujourd’hui votre si généreux témoignage d’une estime qui dépasse mon humble personne.

Soyez-en remercié du fond de mon cœur : vous avez su embellir pour moi le jour qui marquera désormais la plus douce émotion de mon existence.

Alors, M Arsène Zeller, président du comité belfortain du Souvenir Français, remet au nom des comités de Belfort de de Delle, à leur vice-présidente une adresse de félicitations, véritable chef-d’œuvre de calligraphie, dû à la plume de M Loviton, trésorier du comité de Delle et directeur de l’école primaire supérieure de cette ville pour « son dévouement inlassable, son activité bienfaisante et la noble conduite qui fut la sienne en temps de guerre » tandis que M Maurice Thanner, secrétaire du comité de Belfort , lui remet la médaille d’or du Souvenir Français et prononce ces quelques mots.

Discours de M. Thanner

Mes fonctions de délégué du Souvenir Français, dit-il, me valent aujourd’hui l’agréable mission de vous remettre, Madame, au nom du comité central, la médaille d’or. En ce jour de fête, le Souvenir Français a voulu s’associer à l’hommage rendu à l’admirable Française qui préside le comité de Belfort.

Pour votre précieux concours, pour les services rendus à notre œuvre, je vous remets la médaille d’or. Enfin, au nom des Anciens Combattants de Grandvillars et de Morvillars, un membre de l’association de Morvillars dit combien ils sont fiers de l’avoir à leur tête et la félicite de la décoration qui, portée par leur vice-présidente d’honneur, honore toute la société.

Puis, rappelant la détresse des régions dévastées, il la remercie de son admirable dévouement pour les contrées ravagées par la guerre en Alsace, auxquelles Mme Viellard apporta avec le geste gracieux de la femme et l’abnégation de l’infirmière le sourire de la France à ses chères filles reconquises.

Les coupes alors se heurtent à la santé de la Chevalière de la Légion d’Honneur et à la gloire de la France.

Quels étaient les assistants ? Il faudrait les citer tous et ils étaient trop. Disons simplement qu’ils représentaient l’opinion générale et approbative du Territoire, riches et pauvres, amis et adversaires pour une décoration si justement gagnée et qui sera bien portée.

Journal l’Alsace du 16 juillet 1921

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Mme Louis Viellard : chevalier de la Légion d'Honneur - Croix de Guerre 1914-1918 et 1939-1945
 
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